Pie-grièche écorcheur

Conseil Biodiversité
Pie-grièche écorcheur mâle adulte sur une branche

Pie-grièche écorcheur mâle adulte © Antoine Dusart

Description

Lanius collurio

Longueur : 16-18cm

Il existe un fort dimorphisme sexuel chez cette espèce. Le mâle adulte arbore un manteau brun roux, avec une calotte et un croupion gris cendré. Le masque facial est noir, et s’étend jusqu’à la zone parotique. Les parties inférieures sont de couleur rose, plus ou moins intense selon les individus, tandis que la queue est noire bordée de blanc.

La femelle est beaucoup plus terne avec un dessus plus ou moins brun-gris, un masque facial moins net ainsi qu’un dessous d’un blanc jaunâtre sale et fortement vermiculé. Certaines femelles, probablement âgées, se rapprochent du plumage du mâle, montrant une couleur rousse plus vive, qui fait ressortir une calotte et une nuque gris bleu plutôt sombre et des bordures blanches plus nettes. 

Les juvéniles sont très semblables aux femelles adultes, et s’en distinguent par des dessins en forme de croissant sur les parties supérieures. Cela leur procure un aspect écailleux qu’ils conserveront même après la mue post-juvénile qui a lieu peu de temps après la sortie du nid. Une mue complète se déroule ensuite dans les quartiers d’hivernages entre novembre et mars.

Pie-grièche écorcheur femelle adulte sur une branche

Pie-grièche écorcheur femelle adulte © Fabrice Croset

 

Répartition

L’aire de répartition de la Pie-grièche écorcheur s’étend sur une grande partie du Paléarctique occidental depuis le nord du Portugal, à travers toute l’Europe et vers l’est jusqu’en Sibérie. Au nord, dans les pays scandinaves, elle dépasse localement les 60°de latitude nord. Au sud, la limite de l’aire de nidification suit souvent les côtes méditerranéennes. Au Portugal et en Espagne l’espèce ne se reproduit cependant que dans les régions montagneuses les plus nordiques.

En France, la limite de l’aire de répartition de la Pie-grièche écorcheur se situe au niveau de l’isotherme 19°C de juillet. L’espèce est relativement peu présente dans le nord-ouest du pays, au nord d’une ligne tracée entre Nantes (Loire Atlantique) et Charleville-Mézières (Ardennes). Dans le Midi méditerranéen, l’espèce est également peu représentée au sein des zones à basses altitudes, et se rencontre principalement en moyenne montagne à partir de 600 – 700m (elle peut toutefois être trouvée en Corse au niveau du littoral).

Répartition de la Pie-grièche écorcheur en France sur la période 2005-2012 (Issa & Muller, 2012)

Répartition de la Pie-grièche écorcheur en France sur la période 2005-2012 (Issa & Muller, 2012)

 

Reproduction

Au printemps la Pie-grièche écorcheur quitte ses quartiers d’hiver en Afrique pour venir se reproduire sous nos latitudes. En France, les oiseaux arrivent sur leurs sites de nidification entre la fin avril et le début mai. 

Les mâles sont généralement les premiers à s’installer et s’affairent à rechercher un territoire pour la saison. La taille d’un territoire en période de reproduction est variable mais en moyenne la Pie-grièche écorcheur est l’espèce exploitant le plus petit territoire parmi les 5 espèces de pies-grièches françaises : entre 0.5 ha et 3.5 ha. La reproduction a lieu peu après l’arrivée des femelles. A partir de là et jusqu’à l’incubation, le mâle devient particulièrement agressif et protège son territoire avec férocité. 

La Pie-grièche écorcheur construit généralement son nid entre 0.4 et 1.8 m de hauteur, à l’abri dans un buisson épineux (parfois des arbres). Les essences les plus utilisées sont le prunellier (Prunus spinosa), l’épine-vinette (Berberis vulgaris) les aubépines, les églantiers ainsi que diverses espèces de ronces. La construction dure en moyenne 4 à 5 jours (parfois plus si les conditions climatiques sont défavorables), à partir de matériaux prélevés à proximité du support. 

A partir de la première décade de mai, la femelle dépose entre 4 et 6 œufs dans le nid. En Europe centrale, le pic de ponte se situe aux alentours de la troisième décade du mois. L’incubation s’étend sur 14-15 jours, et est exclusivement assurée par la femelle, le mâle s’occupant du ravitaillement et de la défense des abords du nid. Les pontes de remplacement, suite à l’échec d’une nichée sont fréquentes mais comportent généralement moins d’œufs. Des secondes pontes normales, bien que rares, ont également été observées. Après éclosion, les jeunes restent au nid pendant environ deux semaines avant de prendre leur envol. Ils seront encore nourris par leurs parents pendant au moins trois semaines avant d’être indépendants. 

Les oiseaux quittent principalement leurs sites de reproduction entre la mi-juillet et la mi-août pour rejoindre leurs quartiers d’hivernages. Des retardataires peuvent encore être observés en septembre voire jusqu’en octobre même si cela reste rare. En règle générale, les jeunes partent plus tardivement que les adultes.

 

Habitat

La Pie-grièche écorcheur est une espèce typique des milieux semi-ouverts, et se retrouve dans des paysages variés dont l’altitude varie depuis le niveau de la mer jusqu’à 2400 m lorsque les conditions climatiques le permettent. Il est probable que les milieux originellement fréquentés par l’espèce aient été des écotones, c’est-à-dire des zones de contacts entre deux écosystèmes différents. 

Aujourd’hui, elle occupe principalement des secteurs caractérisés par la présence de prairies de fauches et/ou de pâtures extensives, parfois traversés par des haies mais toujours plus ou moins ponctués de buissons bas épineux, d’arbustes et d’arbres isolés offrant de nombreuses possibilités de perchoirs. Ces derniers constituent en effet, une caractéristique essentielle de l’habitat de cette pie-grièche, et sont souvent positivement corrélés au nombre de couples présents sur un secteur. En pratique, on estime qu’un espacement équivalent à un perchoir (naturel ou artificiel) tous les vingt mètres à l’intérieur des territoires occupés, constitue un seuil idéal pour l’espèce. Dans ces paysages bocagers, la Pie-grièche écorcheur apprécie l’alternance entre des zones d’herbes hautes et basses qui favorisent la présence d’insectes tout en facilitant leur détection. De la même manière, les routes de campagne, lorsqu’elles sont présentes, sont également recherchées car les insectes qui s’y déplacent sont alors très visibles. 

La Pie-grièche écorcheur peut également se rencontrer dans des clairières ou autres trouées dans les peuplements forestiers résultant de coupes ou d’aléas climatiques (tempêtes, incendies, …). En Suède par exemple, les zones laissées par les coupes rases et dominées par des jeunes conifères, constituent l’habitat principal de cette pie-grièche. Cette occupation s’expliquerait par un risque de prédation plus faible dans ces secteurs, couplé à la diminution de la surface des prairies semi-naturelles au cours du temps. 

Enfin, des individus peuvent également être observés dans des terrains militaires où l’habitat est régulièrement rajeuni.

Habitat à Pie-grièche écorcheur (source : republicain-lorrain.fr)

Habitat à Pie-grièche écorcheur (source : republicain-lorrain.fr)

 

Alimentation

La Pie-grièche écorcheur pratique principalement la chasse à l’affût à partir d’un perchoir d’une hauteur variable, généralement proche de 2 m (arbres, piquets de clôtures, fils barbelés, pylônes électriques, …). Les méthodes de captures dépendent de la disponibilité en proies du milieu, ainsi que des conditions climatiques. La plupart des proies sont prises au sol dans un rayon de 10 m autour du poste d’affût. Lorsque les conditions météorologiques sont favorables, l’espèce peut également capturer de nombreux insectes dans l’espace aérien.

A l’instar des autres pies-grièches, la Pie-grièche écorcheur empale régulièrement une partie de ses proies sur des lardoirs, généralement des buissons épineux ou des fils barbelés. Cette pratique dépend cependant des individus et surtout des régions où l’espèce est présente. Elle est ainsi plus rare, voire quasi-inexistante, dans les secteurs particulièrement abondants en nourriture, comme certaines zones méridionales ou orientales de l’aire de nidification ainsi que dans la zone d’hivernage en Afrique. Par ailleurs, l’utilisation de ces derniers augmente à mesure que la période de reproduction avance ce qui suggère une fonction de garde-manger plutôt que de communication (limites et attractivité d’un territoire) comme cela peut être le cas pour la Pie-grièche grise.

La Pie-grièche écorcheur est une espèce essentiellement insectivore. Une part importante de son régime alimentaire est constituée par les Coléoptères, les Hyménoptères et les Orthoptères. L’espèce est cependant opportuniste et ne délaisse pas d’autres proies. Ainsi, les Hétéroptères, Lépidoptères, Araignées ou encore Gastéropodes figurent aussi dans son menu. Les petits vertébrés (amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères) font également partie du régime alimentaire de l’espèce où ils peuvent constituer jusqu’à 5% des captures, et représenter 25 à 50% de la biomasse ingérée. Ces derniers sont régulièrement encastrés dans de petites fourches végétales afin de faciliter leur dépeçage. Vers la fin de l’été des baies telles que celles des arbustes du genre Prunus peuvent également être consommées.

 

Effectifs et tendances

D’après les chiffres de BirdLife International, la population nicheuse européenne est estimée à une fourchette de 8 210 000 – 13 000 000 couples. L’Europe constituant près de 60% de l’aire de répartition de l’espèce, une estimation grossière de la population mondiale serait de 13 136 000 – 20 800 000 couples (BirdLife International, 2021). 

De manière générale, il est admis que l’espèce a subi un déclin, plus ou moins marqué selon les pays, dans les limites nord-ouest de son aire de répartition, en particulier à basse altitude. Ainsi, la population suédoise par exemple a été divisée par 2 entre 1970 et 1990, tandis que la population anglaise a aujourd’hui quasiment disparu, alors qu’elle était largement répandue dans les années 1940. Plus récemment, il est estimé que la population nicheuse européenne a diminué de près de 4% au cours des 10 dernières années (BirdLife International, 2021).

En France, la population semble néanmoins être restée stable sur la période 1989-2017, comme le montre le dernier rapportage national de la Directive Oiseaux (2018) et les effectifs nationaux sont évalués à une fourchette de 100 000 à 200 000 couples. La tendance a plus court terme est cependant au déclin.

Estimation des effectifs nicheurs (nbr de couples) et des tendances de population à court terme de Pie-grièche écorcheur dans les différents pays d’Europe. Pour l’estimation des tendances « + » correspond à une augmentation, « - » : diminution, « 0 » : stabilité (variation de +/- 20%) et « ? » : inconnu (données insuffisantes). En orange figurent les pays appartenant à l’Union Européenne.

Estimation des effectifs nicheurs (nbr de couples) et des tendances de population à court terme de Pie-grièche écorcheur dans les différents pays d’Europe. Pour l’estimation des tendances « + » correspond à une augmentation, « - » : diminution, « 0 » : stabilité (variation de +/- 20%) et « ? » : inconnu (données insuffisantes). En orange figurent les pays appartenant à l’Union Européenne.

 

Menaces

1- Disparition de l’habitat sur les zones de nidification

La Pie-grièche écorcheur souffre de manière générale de l’intensification de l’agriculture et plus précisément du déclin des formes extensives d’agriculture liées à la polyculture-élevage ou à l’élevage des bovins et des ovins qui implique la régression des pâturages, ainsi que la disparition des arbres isolés et des haies. Cette espèce a ainsi disparu dans de nombreuses régions de basse altitude qui présentent sans doute pour elle des conditions climatiques idéales.

Dans les zones de moyenne montagne, la phénomène inverse de déprise agricole entrainant la fermeture du milieu peut aussi rendre des zones inhospitalières pour cette espèce et les pies-grièches de manière générale.

2- Dégradation de la qualité de l’habitat sur les zones de nidification

Outre la disparition de son milieu de vie, c’est aussi une dégradation de la qualité des habitats existants qui conduit vraisemblablement à un déclin de la Pie-grièche écorcheur. En effet, une fertilisation excessive des prairies entraîne un appauvrissement du cortège floristique et donc d’insectes. Les ressources trophiques se font ainsi moins abondantes ce qui réduit le succès reproducteur. De même les vermifuges utilisés sur les animaux domestiques fréquentant les milieux à Pie-grièche écorcheur, et les produits phytosanitaires en général réduisent la disponibilité en insectes et sont susceptibles de causer des empoisonnements secondaires sur les pies-grièches.

3- Conditions d’hivernage

Tout comme les autres espèces hivernant en Afrique subsaharienne, le cycle des pluies dans les zones d’hivernage joue probablement un rôle primordial dans la survie des individus. Pour cette espèce qui passe à peine 4 mois sur ses sites de nidification européen, la modification des cycles des pluies sous l’action du changement climatique pourrait évidemment être une menace importante.

4- Chasse

La Pie-grièche écorcheur souffre aussi du piégeage et de la chasse sur le pourtour méditerranéen (Proche Orient, Afrique du Nord, Malte et peut-être dans certains pays d’Europe méridionale) lors de sa migration.

 

Statut légal de protection

Au niveau Européen, la Pie-Grièche écorcheur est inscrite en annexe II de la convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, en tant qu’espèce de faune strictement protégée. 

Elle figure également dans l’annexe I de la Directive européenne 2009/147 CEE concernant la conservation des oiseaux sauvages dans l’Union Européenne.

En France, l’espèce est protégée par l’arrêté ministériel du 09 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Ce texte interdit notamment la destruction des oiseaux, des œufs et des nids, ainsi que la dégradation ou la destruction des sites de reproduction et des sites de repos des animaux. Il est également interdit la détention, le transport et le commerce des individus.